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Réutiliser les eaux usées pour l'eau potable et l'irrigation afin de lutter contre le stress hydrique

Réutiliser les eaux usées pour l'eau potable et l'irrigation afin de lutter contre le stress hydrique

Posted on 28 avril 2023 by Lise Helluy

La pénurie d'eau est un problème majeur dans le monde entier. Elle touche plus de 2 milliards de personnes (ONU 2019), soit presque 1 quart de la population mondiale, selon les Nations unies. Le changement climatique et la croissance démographique contribuent à la pénurie d'eau, et la situation devrait s'aggraver dans les années à venir. La réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est une des solutions prometteuses pour résoudre ce problème. En traitant et en réutilisant les eaux usées, nous pouvons réduire la pression sur les ressources en eau douce, en particulier dans les régions arides et semi-arides, et fournir une source d'eau fiable pour la consommation et l'irrigation. Dans cet article, nous allons explorer la situation actuelle de la réutilisation des eaux usées et présenter quelques-uns des cas les plus prometteurs dans le monde.

Les eaux usées : une ressource précieuse

station d'épurationDevant la rareté croissante de l'eau à l'échelle planétaire, le recyclage des eaux usées apparaît comme une perspective prometteuse. Ces eaux peuvent être utilisées à diverses fins: l'arrosage des espaces verts ou des plantations agricoles, la prévention des incendies, le nettoyage des rues ou encore la recharge des nappes souterraines. Une fois potabilisées, elles peuvent même être utilisées pour la consommation humaine ou à des fins industrielles.

La présence généralisée des eaux usées offre la possibilité de les utiliser sur l'ensemble des régions, contrairement au dessalement, une autre alternative, qui est limitée aux zones côtières et qui s'avère être très consommatrice d'énergie, donc coûteuse.

Malgré leur fort potentiel, les eaux usées sont souvent considérées comme une nuisance et un risque pour la santé. Effectivement cette méthode souvent mal comprise fait l’objet de nombreux préjugés de la part de la population et donc freine les investissements. Gérard Payen, membre du Conseil consultatif pour l'eau et l'assainissement auprès du Secrétaire général de l'ONU, le résume parfaitement : «Les gens détestent imaginer qu'ils boivent de l'eau qui a pu être de l'eau d'égouts». La barrière psychologique vient du fait qu’il y a encore une grande méfiance envers la technologie et sa capacité à traiter parfaitement les eaux. Ces préjugés tendent à disparaitre avec l’augmentation des projets réussis à travers le monde.

Compte tenu des avantages de la réutilisation des eaux usées, de plus en plus de pays envisagent de l'utiliser comme stratégie clé pour lutter contre la pénurie d'eau. La réutilisation des eaux usées peut contribuer à promouvoir des pratiques de gestion durable de l'eau, à renforcer la sécurité de l'eau donc éviter les conflits et à contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations Unies.

D’après l’article de Suez, divers territoires tels que l'Australie, la Californie, l'Espagne, Israël, la Jordanie, Malte ou encore Singapour, visent à répondre à 10 à 60 % de leurs besoins en eau grâce à la réutilisation des eaux usées traitées.

Alors que les populations du monde entier continuent de croître, des solutions efficaces et durables telles que la réutilisation des eaux usées traitées jouent un rôle de plus en plus important dans la sauvegarde de notre ressource la plus précieuse. Examinons ensemble plusieurs cas réussis de réutilisation des eaux usées à travers le monde.

Des cas prometteurs aux 4 coins du monde

En Jordanie, l’irrigation des espaces verts et plantations se fait grâce à la récupération des eaux grises

La Jordanie est l'un des pays les plus arides du monde. La pénurie d'eau est un grave problème pour les 5.7 millions d’habitants. L’eau y est si rare, qu’elle est devenue une denrée très convoitée, trop convoitée même pour être relâchée dans les systèmes d’égouts. Cette crise de l’eau sans précédent a eu un impact considérable sur la gestion de cette ressource.

Le gouvernement n’a pas eu d’autre choix que de restreindre les habitants afin de conserver au mieux l’eau potable. Avant, l’eau potable était gratuite et accessible à tous, à présent elle est rationnée (maximum 2 fois par semaine) et payante.

Amman, Jordanie (Photo de Daniel Qura sur Unsplash)

Chaque habitant bénéficierait de moins de 200 mètres cubes d’eau disponible par an, selon le ministère de l’Eau et de l’Irrigation, lorsque le seuil défini par l’OMS est de 1000m3. L’OMS estime qu’en dessous de cette valeur, le développement économique et  la santé humaine seraient en danger. Pourtant une étude du ministère de la Statistique de la Jordanie explique qu’un ménage sur 6 aurait recourt à l’agriculture urbaine. La valeur des aliments cultivés dans ces jardins urbains serait chiffrée à 3.5 millions USD selon le ministère. Des données plus que surprenantes compte tenu des ressources en eau disponibles ! Alors comment font-ils ? En traitant et en réutilisant leurs eaux usées domestiques !

Des chercheurs ont trouvé un système très simple permettant de recycler les eaux usées dites grises, provenant de la lessive, des éviers, de la douche ; tout en excluant les eaux noires provenant des toilettes. Les habitants peuvent donc utiliser l’eau recyclée pour arroser leurs plantations de légumes comme les aubergines ou les oliviers, énormément répandus dans le pays car inscrits dans leur patrimoine. C’est tout de même 20 litres d’huile d’olive qui sont consommés par habitant tous les ans !

Grâce à ce système, ils ont pu réduire considérablement leurs besoins en eau douce tout en augmentant les cultures dans les jardins urbains. Ce qui sert entre autres à nourrir les plus démunis. Depuis l’installation de ce système, une baisse de pas moins de 15% dans la consommation d’eau a été constatée ! Evidemment ce système a été soumis à plusieurs tests pendant une année afin de s’assurer de la qualité de l’eau pour l’irrigation.

M. Bino, directeur de l’Inter-Islamic Network on Water Resources Development and Management explique dans l’étude que ce système a également été installé dans une école pour filles, afin de récupérer l’eau des fontaines dans lesquelles viennent boire les étudiantes. Cette eau est recyclée et utilisée pour arroser les oliviers et les plantes dans le jardin de l’école. A la suite de ce projet, d’autres écoles se sont empressées de demander l’implantation de ce système. C’est un bel exemple qui montre que l’on peut facilement contrer le gaspillage avec une réutilisation des eaux usées.

Le succès de l'initiative de réutilisation des eaux grises en Jordanie peut être attribué à une combinaison de facteurs. Le gouvernement jordanien a pris les devants en s'attaquant au problème de la pénurie d'eau et a investi dans l'élaboration d'un cadre réglementaire visant à garantir la sécurité et la qualité de l'eau réutilisée. En outre, des campagnes de sensibilisation du public ont permis d'informer les citoyens sur les avantages et la sécurité de l'utilisation des eaux grises traitées.

La réutilisation des eaux grises en Jordanie a été un succès retentissant, fournissant une source d'eau fiable pour l'agriculture et réduisant la pression sur les ressources en eau douce. L'initiative met en évidence le potentiel de la réutilisation des eaux usées pour faire face à la crise mondiale de la pénurie d'eau et sert de modèle à d'autres pays.

Les habitants de Windhoek, capitale de la Namibie, boivent leurs eaux usées traitées depuis 50 ans

windhoek namibieLa Namibie, pays d’Afrique le plus aride et situé entre deux déserts, n’a pas eu le choix de trouver une solution pour contrer le stress hydrique dû aux précipitations quasiment nulles. Le climat est si intense que presque la totalité des eaux présentes dans les cours d’eaux s’évaporent.

La capitale, Windhoek, précurseur dans le domaine, traite et réutilise ses eaux usées pour la consommation humaine depuis 1968. C’est la méthode de réutilisation directe de l'eau potable (Direct Portable Reuse) qui a été développée dans l’usine WINGOC, une des 3 seules usines de ce genre dans le monde. Cette méthode consiste à connecter directement une station d'épuration des eaux usées avec une station de production d'eau potable.

Le directeur de l’usine, Thomas Honer, insiste sur le fait que : « L’eau est de meilleure qualité que celle issue d’une station d’épuration classique. » En effet, selon l'Organisation mondiale de la santé, l'eau traitée répond aux normes de qualité les plus strictes et est propre à la consommation humaine. Le programme de réutilisation des eaux usées de la ville a permis de fournir une source d'eau durable à la population croissante de la ville et de réduire sa dépendance à l'égard de l'eau importée. Il a également contribué à promouvoir le développement durable dans la région et a été reconnu comme un modèle d'excellence par la communauté internationale.

Dans l'ensemble, le programme de réutilisation des eaux usées de Windhoek est un excellent exemple de la manière dont la pensée innovante et les technologies de pointe peuvent être utilisées pour relever certains des défis mondiaux les plus pressants. La pénurie d'eau devant s'aggraver dans les années à venir, il est essentiel que davantage de villes et de régions du monde entier adoptent des stratégies similaires afin de garantir un avenir durable pour tous.

Le projet Jourdain en France est une première en Europe en termes de potabilisation de l’eau

Si on compare la France aux autres pays, elle est largement à la traine avec seulement 1% de ses eaux usées réutilisées contre 14% en Espagne, d’après Frédéric Salin (Responsable Veolia Eau dans l’Aude). Ceci est principalement dû à une législation trop stricte dans le pays.

Actuellement, il est possible d’utiliser les eaux usées traitées pour l’irrigation agricole et des espaces verts, et également depuis un peu plus d’un an pour des usages urbains comme le nettoyage des rues. Malheureusement, la réutilisation des eaux usées n’est toujours pas permise pour des fins alimentaires, pour la toilette et le linge, pour les piscines ou fontaines, ainsi que pour des usages dans les bâtiments recevant du public comme les maisons de retraites ou les écoles.

L’été 2022 avec sa forte sécheresse a marqué un tournant dans la réutilisation des eaux usées traitées en France. Jamais ce sujet n’avait été aussi présent, le président lui-même a même évoqué cette réutilisation dans le « plan eau » exposé le 30 Mars 2023.

Un projet révolutionnaire appelé Jourdain a été conçu pour produire de l'eau potable à partir d'eaux usées, une première en Europe. Le projet utilise des technologies de traitement avancées pour éliminer les micropolluants tels que les produits pharmaceutiques, les produits de soins personnels et les perturbateurs endocriniens des eaux usées, fournissant ainsi une source d'eau potable de haute qualité. Ce projet a été implanté en Vendée car lors des années particulièrement sèches (comme en 2022), jusqu’à 8 millions de m3 d’eau potable ont manqué à ce département, d’après Ouest-France.

En quoi consiste t-il véritablement ? La station d’épuration des Sables d’Olonne, rejette normalement ses eaux usées traitées en mer. A l’avenir elles seront acheminées jusqu’à une station d’affinage, puis rejetées dans une zone de transition végétalisée qui débouche sur la retenue du Jaunay. C’est dans cette retenue d’eau, créée par un barrage en aval, que la station de production d’eau potable prélève l’eau qui sera par la suite traitée avant d’être acheminée vers les foyers. En 2027, le projet Jourdain permettra de traiter environ 600m3/h d’eaux usées, ce qui équivaut à la consommation de 60 000 habitants. D’autres villes du littoral, comme Saint Malo, sont d’ores et déjà très intéressées pour implanter cette installation sur leur territoire.

 

Singapour, un exemple à suivre en matière de recyclage des eaux usées

Singapour est un modèle en matière de réutilisation des eaux usées. Avec sa météo très humide, il semblerait que cette île ne manque pas d’eau, c’est pourtant le contraire. Singapour possède une des densités les plus élevées au monde avec 5 millions d’habitants sur moins de 700 km2. Il n’y a donc pas assez de superficie pour installer les infrastructures nécessaires pour collecter les eaux de pluie. Le territoire dépend principalement de son voisin : la Malaisie. Pour regagner son indépendance hydrique, la ville a installé des infrastructures pour désaliniser l’eau de mer, mais cela prend beaucoup plus d’énergie que pour recycler les eaux usées.

La ville-État a donc investi massivement dans des infrastructures sophistiquées de traitement des eaux usées et a mis en place un cadre réglementaire complet pour garantir la sécurité et la qualité de l'eau réutilisée. Après plus de 60000 tests, la qualité de l’eau rempli entièrement les recommandations de l’OMS. Les eaux usées subissent 3 traitements avant d’être injectées dans le réseau : une filtration à travers des membranes, une osmose inverse et une illumination aux UV.

Ces eaux usées traitées, appelées "NEWater", sont utilisées à des fins industrielles principalement. Par exemple, l’industrie électronique a besoin d’une eau pure pour fabriquer les circuits intégrés dans les processeurs de nos ordinateurs.

En outre, une fraction de l’eau NEWater est mélangée à de l'eau douce et distribuée à des fins de consommation. Dans une interview, les Responsables de l’Agence de l’Eau à Singapour précisent : «La production actuelle couvre environ 30% des besoins en eau de Singapour. D'ici à 2060, nous projetons de tripler cette production d'eau recyclée.» La stratégie des dirigeants est de «récupérer chaque goutte d’eau» pour la recycler infiniment.

D’ici 2025, une nouvelle usine de traitement devrait voir le jour. Au total la ville aura investi 6.3 milliards d’euros dans le recyclage des eaux usées, afin de devenir autosuffisant. (Source : France 24)

Dans l'ensemble, le programme de réutilisation des eaux usées de Singapour démontre que la pensée innovante, l'investissement dans la technologie et une forte implication de la communauté peuvent permettre de relever certains des défis les plus importants auxquels sont confrontés les centres urbains aujourd'hui. Alors que de plus en plus de villes dans le monde sont confrontées à la pénurie d'eau et à une demande croissante, l'approche de Singapour constitue un excellent exemple de développement durable en action.

 

La réutilisation des eaux usées est une solution plus que prometteuse pour faire face à la pénurie d'eau et assurer la durabilité des ressources en eau. Grâce à un traitement et à une gestion appropriés, les eaux usées peuvent devenir une ressource précieuse qui présente de multiples avantages, qu'il s'agisse de fournir une source d'eau potable pour la consommation humaine ou pour l’industrie. Toutefois, la réutilisation des eaux usées nécessite des investissements importants en matière d'infrastructures, de technologies et de réglementation. En tirant les leçons des expériences réussies dans le monde entier et en adoptant les meilleures pratiques, nous pouvons construire un avenir durable qui repose sur l'utilisation judicieuse des ressources en eau.

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*Voir réglementation en vigueur dans le pays.

Sources:

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